Recyclage des EPI et EPI recyclés : avantages et inconvénients.

Les initiatives menées par les utilisateurs professionnels et les fabricants de vêtements professionnels laissent espérer la création de filières dédiées aux EPI. Pour l’heure, de nombreux verrous restent à lever, à la fois sur le plan législatif, économique et technologique. Si le recyclage des vêtements professionnels, des casques de chantier ou des chaussures de sécurité demeure un défi, il mérite d’être relevé, à la fois créateur d’emplois et de bienfaits pour la planète.

Depuis janvier 2016, la nouvelle règlementation européenne oblige les entreprises à élargir le champ d’utilisation et à vérifier plus souvent la conformité des EPI fournis à leurs salariés. Des EPI régis par des cahiers des charges précis : un cadre réglementaire strict en définit le périmètre d’usage et la longévité. Ainsi, qu’ils soient parvenus à l’expiration du délai légal en bout de course en pleine santé, il faut les changer.

Depuis le 1er janvier 2022, de nouvelles dispositions relatives à la loi Anti-gaspillage et économie circulaire (AGEC) sont entrées en vigueur. En ligne de mire, la réduction du gaspillage et des déchets : les entreprises doivent recycler ou réutiliser leurs invendus non-alimentaires.

Dans le cadre des politiques de commandes publiques sensibles à la cause écologique, le ministère de l’Ecologie et celui des Finances ont lancé en 2016 le projet FRIVEP (Filière de Réemploi/Recyclage Industrielle des Vêtements Professionnels). L’objectif ? Inciter à plus d’éco-conception dans le domaine des vêtements professionnels. Toutefois, si dans le cadre des filières pollueurs-payeurs REP (Responsabilité Elargie des Producteurs), des dispositions ont été prises pour les matériaux de construction et articles de bricolage (2022), puis pour tous les emballages professionnels (2025), aucune loi n’encadre pour l’heure la filière des EPI, un marché évalué entre 1 et 1,2Md€ HT par an.

Face à ce silence législatif, de nombreuses initiatives viennent des fabricants, conscients des enjeux et des impératifs dictés par l’urgence environnementale. MOLINEL a été l’un des premiers à se lancer dans le recyclage des EPI : « Objectif 2e vie », un circuit de collecte des vêtements de travail usagés lancé en 2011, a permis de collecter à ce jour plus 13,5 tonnes d’EPI à des fins de recyclage ou de revalorisation.

Le recyclage des fibres textiles pour la fabrication d’autres vêtements en fibres recyclées. En 2016, les jeunes designers de LISAA, sensibilisés à la fin de vie du vêtement usagé ont recyclé les vêtements de travail du groupe Mulliez-Flory. Plus récemment, l’entreprise de service public Enedis s’est rapprochée de Mode Estime, association d’économie sociale et solidaire, et de la Textilerie, lieu créatif dédié au textile responsable, pour remplacer leurs traditionnels goodies en pièces recyclées. C’est ainsi que des EPI sont devenus des porte-badges, des trousses à outils et des poches pour ordinateurs.

L’effilochage pour des matériaux d’isolation : cette opération consiste à transformer les fibres textiles en matériaux d’isolation thermique ou phonique. Fermetures éclaires, bandes velcro ou rétroréfléchissantes sont démontées et recyclées pour le secteur automobile et nucléaire. Ainsi, l’entreprise bourguignonne Prefor recycle les gants de protection pour industriels de la mécanique. Cordes Courant revalorise les EPI antichute, triés par catégorie : cordes, sangles et harnais, équipements métalliques, sacs… Le polyamide des cordes sert à la fabrication des pièces plastiques pour l’automobile, le polyester des sangles entre dans la fabrication de vêtements.

A savoir : Même en bon état après leur période d’usage, les EPI ne peuvent pas être réutilisés tels quels. Dans le cas de vêtements, il faut gommer les traces de leur vie passée, par exemple les marquages et les logos en lien avec des institutions ou des entreprises.

Dans l’univers des EPI, de nombreuses alternatives éco-conçues conjuguent la sécurité de vos employés et le respect de l’environnement. Tour d’horizon des avantages des EPI recyclés et de leurs (quelques) limites.

2009 : La directive européenne (125/CE) fixe le cadre juridique de l’éco-conception : la démarche consiste dans « l’intégration des caractéristiques environnementales dans la conception du produit, en vue d’améliorer sa performance environnementale tout au long de son cycle de vie. »

La notion de «cycle de vie » est essentielle : Le recyclage, qui correspond à la dernière étape d’un produit « en fin de vie », est un point essentiel.

L’avantage d’un produit élaboré à base de matériaux recyclés, c’est qu’il est « bien-né » : en faisant le choix de matières premières renouvelables, recyclables et/ou de matériaux recyclés, ses impacts sont réduits dès sa conception. La valorisation des EPI recyclés arrivés en fin de vie est facilitée, le recours à l'enfouissement n’est plus de mise.

À l’heure où la préservation des ressources est un impératif, où la maîtrise de la pollution de l’air, de l’eau et des sols est un enjeu de santé mondiale, les gains environnementaux représentés par des EPI à base de matières/matériaux recyclés (de 10% à 40 % en fonction des indicateurs choisis), ne sont pas négligeables.

D’autre part, les EPI fabriqués à partir de fibres recyclées, sont à la fois respectueux de l’environnement et résistants dans le temps. Ils sont soumis aux mêmes normes de conformité que les EPI « classiques », auxquels s’ajoutent les labels propres aux éco-textiles. Les chaussures de travail comme les chaussures de sécurité à base de bouteilles plastique recyclées sont à la fois écolo, confortables, résistantes et certifiées EN 20345 ou EN 20347.

La marque CEPOVETT a été en 2007 pionnière du coton équitable pour la filière professionnelle. Sa gamme Fluo Advanced haute visibilité est réalisé́ en tissu français composé de 30% de coton bio équitable et de 70% polyester recyclé. La résistance du tissu est assurée par l’armure Ripstop, une technique de tissage qui utilise un renforcement spécifique.

En plus de gains environnementaux importants (jusqu’à 45 % d’économie d’énergie, réduction de 20 % de la consommation d’eau et de 30 % des émissions de CO2), le polyester recyclé offre les mêmes propriétés que le polyester vierge (durable, léger, infroissable, économique, couleurs solides, séchage rapide).

Utilisé du polyester recyclé permet de réduire les quantités de bouteilles plastiques jetées dans les décharges. Elles sont réutilisées dans le processus de production de fibres de polyester recyclé, ce qui réduit la contamination des sols ainsi que la pollution de l’eau et de l’air.

A priori, éco-concevoir un produit permet de réduire ses coûts : en favorisant les matières premières de seconde vie achetées moins cher, et en privilégiant les circuits courts, de nombreux postes de coûts sont abaissés.

Toutefois, dans le cas d’EPI composés de coton biologique, les coûts de production sont souvent plus élevés : pour la même surface, le rendement d’une culture de coton biologique est moins important que celui d’une culture de coton traditionnel. D’autre part, ce coton est en majeure partie cultivé dans des pays lointains : il doit être transporté soit sous forme brut pour être filé et fabriqué en Europe, soit directement sous forme de vêtements après avoir été filé et confectionné ailleurs. Dans les deux cas, son transport est émetteur de CO2.

Réduction de l'utilisation des matières premières, diminution des pollutions et nuisances, réemploi et recyclabilité, les gains environnementaux liés à l’emploi d’EPI recyclés sont nombreux. Des bénéfices environnementaux qui servent, par ricochets, l’image de marque d’une entreprise. Attention toutefois au green washing : les tissus éco-responsables conçus à partir de polyester recyclé doivent accompagnés d’une fiche de Déclaration Environnementale (EPD®) vérifiée sur la base d’une analyse du cycle de vie (conformément à la norme ISO 14025).