Le recyclage des EPI pour l’agroalimentaire : un défi ?

Dans l’industrie agro-alimentaire, les équipements de protection individuelle jouent un rôle déterminant dans la protection des salariés contre les risques professionnels. Au niveau mondial, près de 170 000 accidents du travail mortels surviennent chaque année dans le secteur agro-alimentaire (source Organisation internationale du travail). Selon l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail, les coûts directs et indirects des accidents du travail dans le secteur en Europe s’élèvent à plus de six milliards d’euros par an.

L'utilisation des EPI garantit également la conformité des produits aux normes réglementaires en termes de sécurité et d’hygiène. Leur port systématique et correct, notamment des blouses et des gants, réduit considérablement les risques de contamination croisée. Il évite également l’introduction et la prolifération de bactéries pathogènes sur les surfaces de travail et les produits alimentaires. Les masques respiratoires et les lunettes de protection, quant à eux, réduisent la propagation de particules aériennes et de gouttelettes contaminées.

Recycler les EPI plutôt que de les éliminer comme des déchets ordinaires réduit les coûts associés à l’élimination et au stockage des équipements usagés. Même si l’achat de nouveaux équipements recyclables ou éco-conçus est souvent un peu plus onéreux, ils sont aussi généralement plus durables.

Le recyclage permet en outre de préserver les ressources naturelles, puisqu'on récupère et réutilise les matières premières pour fabriquer de nouveaux produits. Les entreprises participent ainsi à un modèle d’économie circulaire qui consiste à « produire des biens ou services de manière durable en limitant la consommation et le gaspillage des ressources et la production des déchets » (définition du ministère de l'Écologie)

Recycler ses EPI améliore enfin l’image de marque de l’entreprise et participe de la politique RSE des industries agro-alimentaires. S’engager en faveur de la durabilité et réduire son empreinte environnementale préserve les écosystèmes locaux, mais gare à la tentation du greenwashing !

Les EPI utilisés dans l’industrie agro-alimentaire sont souvent exposés à des contaminants biologiques, chimiques et organiques. Cette contamination complexifie, voire interdit, le recyclage des matériaux pour préserver la sécurité des processus de recyclage et la qualité des matières.

Par ailleurs, les EPI sont fabriqués à partir d’une grande diversité de matières comme le plastique, le caoutchouc, le métal, le textile. Les EPI combinant plusieurs matières sont plus difficiles à recycler, car chaque matériau nécessite un processus spécifique. La collecte, le tri et le transport des EPI usagés occasionnent également des contraintes logistiques nécessitant des investissements importants.

La destruction pure et simple des EPI, notamment pour les produits à usage unique, n’est pas toujours possible. De nombreux équipements sont encore difficilement recyclables et demandent à être démantelés pour pouvoir être jetés et correctement valorisés. Si aucun recyclage n’est possible, le seul recours est l’enfouissement ou l’incinération des EPI inutilisables.

Depuis 2016, l’Union européenne oblige à des changements plus fréquents des EPI pour garantir leur bon fonctionnement et leur efficacité. En 2022, la loi anti-gaspillage et économie circulaire (AGEC) impose le recyclage des EPI usagés ou la réutilisation des invendus non-alimentaires. L’objectif est d’éviter au maximum la destruction des EPI usagés, dans une visée à la fois écologique et économique.

Face aux défis du recyclage des équipements de protection, plusieurs solutions et pratiques émergent pour mettre en place une gestion efficace des déchets.

Le traitement des matériaux utilisés dans les EPI est de plus en plus avancé grâce aux technologies et à la recherche. Le projet FIREX (filière industrielle du recyclage des textiles) teste par exemple des machines destinées à trier, délisser, effilocher ou filer les EPI textiles afin de les valoriser.

Le meilleur déchet est celui qu’on ne produit pas : dans cette optique, les fabricants d’EPI ont un rôle déterminant en concevant des équipements plus durables et plus facilement recyclables. Par exemple, le projet FRIVEP (filière de réemploi et recyclage industriel des vêtements professionnels) a été mis en place dès 2016 par le gouvernement pour inciter les fabricants à éco-concevoir les EPI.

Pour rappel, l’éco-conception consiste à « intégrer les caractéristiques environnementales dans la conception du produit en vue d’améliorer sa performance environnementale tout au long de son cycle de vie » (directive européenne 125/CE fixant le cadre juridique de l’éco-conception). L’avantage d’un EPI éco-conçu, c’est qu’il est généralement plus facilement recyclable ou, du moins, valorisable. C’est le cas de BleuAgro, un fabricant d’EPI qui a intégré l’économie circulaire dans la conception et la production des équipements.

De nombreuses filières de seconde vie ou de recyclage se sont également créées, en collaboration entre les fournisseurs et les organismes de recyclage. Par exemple, l’entreprise Terracycle a développé la Boîte Zéro Déchet, une solution de recyclage tout-en-un conçue pour l’agro-alimentaire (mais pas seulement).

Les EPI jetables en IAA comme les gants, les bouchons d’oreille, les filets à cheveux ou les vêtements jetables ne sont par exemple pas collectés par les filières de tri traditionnelles. Avec ce principe, ils sont jetés directement par les employés dans la boîte correspondante. Une fois qu’elle est remplie, l’entreprise la renvoie à Terracycle grâce à une étiquette d’expédition prépayée.

Terracycle s’occupe ensuite du traitement, du stockage et du recyclage des déchets, grâce à ses partenaires. La plupart des déchets sont broyés, lavés et transformés en agglomérat ou en granulés qui peuvent être fondus et moulés pour créer de nouveaux produits.

D’autres organismes de collecte existent, comme Adivalor qui recycle les gants en néoprène, les masques, les cagoules, les lunettes et visières de protection, les vêtements (combinaisons, tabliers, bottes, surbottes…).

La sensibilisation des travailleurs au recyclage des EPI et à la manière de les trier correctement est primordiale pour garantir le succès des initiatives de recyclage. Il faut que chaque salarié joue le jeu, notamment en triant les EPI usagés et en ne les jetant pas n’importe comment.

Il revient à chaque industriel d’intégrer des programmes de formation et de sensibilisation pour informer les employés sur les bonnes pratiques de gestion des déchets. Ces programmes doivent s’accompagner de systèmes de suivi et d’analyse pour évaluer l’efficacité et l’évolution des pratiques. Les industriels pourront ainsi identifier les améliorations possibles et mettre en place des actions correctives pour atteindre leur objectif.

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Le recyclage des EPI dans l’industrie agro-alimentaire représente un défi complexe, mais aussi une opportunité pour les entreprises de promouvoir leur responsabilité environnementale. Mettre en œuvre des solutions innovantes et de meilleures pratiques est l’un des chemins pour garantir une gestion efficace des EPI usagés tout en assurant la sécurité des salariés et des consommateurs.