De Seveso à Lubrizol, 50 ans de catastrophes et de directives

10 juillet 1976

Il est 12h37 à Meda, une petite ville à 20 km au nord de Milan. Un nuage s’échappe de la cuve 101 de l’usine chimique ICSEMA. L'augmentation soudaine de la pression dans l'un des réacteurs vient de faire sauter une soupape de sécurité.  Très vite, il se répand sur la campagne lombarde et, poussé par le vent, gagne la commune voisine de Seveso. Il faudra quatre jours pour que les laboratoires du groupe suisse Hoffmann-La Roche, à qui appartient l’usine, identifie la nature du nuage : il s’agit de tétrachlorodibenzo-p-dioxine (TCDD), une dioxine très toxique. Pendant ce temps, l’usine a réouvert ses portes et les autorités n’ont toujours pas interdit la consommation des produits locaux. Ce n’est que le 26 juillet, soit 16 jours après la catastrophe, que les premiers habitants commencent à être évacués.Maux de tête, irritations des yeux et nausées. Des affections dermatologiques se déclenchent, principalement chez les enfants. Les sols sont contaminés. Près de 80 000 animaux meurent ou doivent être abattus.

24 juin 1982

Les Etats européens ont pris conscience de la nécessité de renforcer le contrôle des pouvoirs publics sur les activités industrielles présentant des risques technologiques majeurs, afin de mieux gérer le risque industriel. Le Conseil européen adopte la directive « Seveso I » (82/501/CEE) concernant les risques d’accidents majeurs de certaines activités industrielles. Cette directive poursuit un double objectif :

• Prévenir des accidents majeurs qui pourraient être causés par certaines activités industrielles
• Limiter leurs conséquences néfastes sur l’homme et l’environnement.

Nuit du 2 au 3 décembre 1984

A Bhopal, une ville du centre de l'Inde, une usine chimique, filiale de la firme américaine Union Carbide qui produit des pesticides, explose : quarante tonnes d'isocyanate de méthyle se dégagent dans l'atmosphère. Considéré comme l'une des pires catastrophes industrielles de l'histoire, Bhopal fera presque 4000 morts et plus de 350 000 victimes, tous préjudices confondus.

1er novembre 1986

Dans la zone industrielle de « Schweizerhalle », près de Bâle, un entrepôt du groupe chimique Sandoz, prend feu. L’excédent d’eau qui a servi à éteindre l’incendie se répand dans les eaux du Rhin jusqu’aux Pays-Bas : une eau chargée de pesticides, de dérivés de mercure et d’esters phosphoriques. Dans les zones contaminées, la pêche est interdite pendant six mois.Il faudra20 ans de dépollution pour rétablir l’équilibre écologique.

9 décembre 1996

La directive Seveso II (96/82/CE) transposée en France en 2000, étend le champ d’application de la directive précédente, en introduisant des mesures complémentaires :

• Les seuils de quantité de certains produits toxiques sont modifiés
• Des obligations en matière de politique d’aménagement du territoire sont imposées.
• En France, la réglementation distingue deux seuils de classement en fonction de la dangerosité des sites. Il existe le « Seveso seuil bas » et le « Seveso seuil haut ». La première catégorie regroupe environ 500 établissements représentant un risque important. Le second compte plus de 600 établissements représentant un risque majeur.

21 septembre 2001

A Toulouse,un stock de rebuts de nitrate d’ammonium détone dans une usine d'engrais AZF(AZote Fertilisants). L’explosion, correspondant à un séisme de magnitude 3,4 sur l’échelle de Richter, est perçue jusqu’à 75 km de distance. L’établissement est classé « Seveso SH » et certifié ISO 14001 (gage de performance environnementale) et 9002 (qualité du management).

Bilan : 31 morts, 2 500 blessés.

2003

Deux ans après l’explosion de l’usine AZF, la loi « Risques » est une réglementation nationale qui vient compléter la directive « Seveso III ».

• Le texte prévoit instaure les plans de prévention des risques technologiques (PPRT) pour les installations Seveso seuil haut (SH),
• La loi Risques demande un renforcement des effectifs des inspecteurs des installations classées, les ICPE (Installations classées pour la protection de l’environnement), qui peuvent générer une nuisance pour l’homme ou l’environnement et dont font partie les sites Seveso.

1er juin 2015

Une nouvelle directive (82/501/CEE) entre en vigueur. Elle remplace la précédente et concerne près de 10 000 entreprises dans l’Union Européenne.

26 septembre 2019

L'incendie de l'usine Lubrizol et des entrepôts de Normandie Logistique à Rouen rappelle que les Français ne sont toujours pas à l’abri d’un accident industriel majeur. L’usine de produits chimiques classée « Seveso seuil haut »synthétise et stocke des produits chimiques destinés à être utilisés comme additifs pour lubrifiants.

26 septembre 2020

A la suite des lacunes révélées lors de l'incendie de l'usine de Lubrizol, la réglementation est encore renforcée. Deux décrets et cinq arrêtés sur la règlementation des installations classées ont été publiés. Les nouvelles mesures concernent notamment

• Le stockage de produits dangereux et inflammables
• La coopération entre exploitants d'installations contenant des substances dangereuses
• L’information du public et les comportements à adopter lors d'un accident.